Fécondité, désir d'enfant et PMA : que peut la psychanalyse ?

Le journal Le 1 consacrait récemment son numéro à la fertilité en France et à ses aléas[1]. Le constat est connu, les couples ont aujourd’hui plus de difficultés qu’avant pour faire des enfants. La médecine, elle, s’empare du sujet et repousse tous les jours un peu plus les limites de ses compétences en la matière. Mais, comme le souligne très justement l’éditorialiste Julien Bisson : « Les prouesses de la médecine ne doivent pas nous exonérer d’une réflexion sur les causes même de cette infertilité en berne. » Parmi celles-ci, sont pointés les perturbateurs endocriniens mais aussi le modèle de notre société où l’âge de la première grossesse recule toujours plus.

Mais dans le discours des hommes et surtout des femmes concernées, nous pouvons aussi déceler autre chose que la question de la fertilité soulève : le rapport aux limites et à l’impossible maîtrise sur le sujet, si commun pourtant, de la procréation.

 

A parcourir l’hebdomadaire, nous découvrons propos et témoignages, toujours riches pour celui qui tâche d’écouter. A commencer par les mots de Myriam Levain, journaliste et auteur d’un récent ouvrage où elle interroge le désir de maternité, le sien en particulier. Dans le numéro du 1, c’est la congélation d’ovocytes qu’elle défend, en s’expliquant d’un contexte qu’elle ne peut, à son âge dit-elle, continuer d’ignorer. Très simplement, elle exprime ce qu’elle a traversé : « [des] mots que j’avais l’impression de ne jamais avoir vraiment entendus ont fait leur apparition et ne m’ont plus lâchée. Fécondation in vitro. Don de gamètes. Stimulation ovarienne. Des mots que je connaissais par cœur revêtaient, eux, subitement un sens différent. Cycle menstruel. Spermatozoïdes. Test de grossesse. » Avant d’ajouter : « C’était donc ça que je refusais d’entendre : cette pression exacerbée sur les choix que je ferais dans les trois, quatre, cinq prochaines années. »

Face à cette inévitable rencontre, celle de leur âge et des limites procréatrices imposées par la nature, des femmes se tournent vers une médecine à même de leur proposer une parade. Ici, c’est de celle de la congélation d’ovocytes dont il s’agit, encore très encadrée et limitée en France, et dont l’assouplissement est aujourd’hui envisagé. Vu comme une véritable planche de salut par nombre de femmes (et d’entreprises en encourageant le recours outre-Atlantique), la congélation d’ovocytes - pourtant loin d'être simple et indolore - ne révélerait-elle pas un illusoire souhait de contrôle ? Une telle solution ne doit-elle pas, inévitablement, éveiller notre perplexité ? La dame de l’article nous enseigne, lorsqu’elle déplie pour nous la stratégie qui peut être envisagée face à ce réel peu charmant de la fameuse horloge biologique : « … A moins que la science ne me donne un coup de pouce, en m’autorisant à mettre sur pause le vieillissement de mes gamètes dans un congélateur, le temps que je me réconcilie avec les aiguilles de l’horloge. […] A moins que j’accepte d’écouter le satané tic-tac sans le laisser me gâcher la vie. A moins tout simplement que j’introduise d’autres mots dans mon vocabulaire. Des mots comme choix, émancipation, insoumission ou liberté. »

Ce dernier propos est édifiant en ce que les solutions offertes parfois par la médecine encouragent l’être à envisager qu’il a le pouvoir sur les mots et sur les choses, plutôt que d’entrevoir que c’est en tant qu’il est inévitablement déterminé, tant par le langage que par le réel, qu’il chemine dans son existence.

 

La psychanalyse, au quotidien, nous invite à entendre les choses un peu différemment que ne le présente le discours commun ou celui de la science. La démarche clinique que nous défendons propose que chacun dès qu’il en ressent la nécessité, poussé par une souffrance qui fait énigme pour lui, puisse consulter un clinicien et s’engager dans une psychothérapie ou une psychanalyse. Ce sera pour cette personne l’occasion de s’approcher de son désir, c’est-à-dire de l’élan qui guide son existence, et de justement accepter de se laisser guider par lui. Cela ouvre une voie de réconciliation avec soi-même, pour prendre soin de soi, de son désir, de ses choix et de son avenir.

 

La question de la parentalité est un moment charnière pour entamer une psychothérapie. Nous rejoignons les propos de Joëlle Desjardins-Simon, psychanalyste intervenant dans un service d'assistance médicale à la procréation : « Un deuil, une maltraitance ou un secret de famille n’entravent pas forcément la vie professionnelle ou affective. Mais la mise au monde d’un être humain relance le chaudron de l’inconscient. Ça remet en œuvre l’enfant qu’on a été, les parents qu’on a eus… ».

La rencontre avec un psychothérapeute ou un psychanalyste invite à démêler les blocages dont il peut être question dans la difficulté à concevoir un enfant. Ces difficultés sont singulières. Le journal en donne pour illustration un couple dans une démarche de Procréation Médicalement Assistée (PMA) depuis plusieurs années sans encore aujourd’hui connaitre la raison de leur infertilité. Rien, dans le champ de la médecine, ne vient en expliquer la cause. Un autre couple témoigne s’être tourné vers la PMA pour la conception de leur second enfant, démarche qui n’aboutira pas et les mettra, quotidiennement, à rude épreuve. Ils abdiquent et choisissent de se concentrer sur leurs projets respectifs et leur famille. Ce n’est que quelque temps plus tard que le couple aura, naturellement, un deuxième enfant. Une autre femme témoigne des dégâts que son infertilité lui a causé. Source de reproche de la part de sa belle-famille lors de son premier mariage, elle continue à être son obsession lors de sa seconde union, obsession qu’elle et son partenaire ne parviendront pas à surmonter, conduisant, à nouveau et à regret pour les deux partenaires, à une séparation.

 

Dans chacune de ces histoires, la médecine intervient. Loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur les acteurs médicaux, ni sur les avancées fantastiques que la médecine réalise pour un si grand nombre de personnes. Mais, par éthique professionnelle et clinique, nous prenons le parti de tendre la main à la médecine et d’inviter médecins et professionnels de santé à la perspective d’une clinique du partenariat[2], où les médecins orientent les patients vers un clinicien lorsqu’ils décèlent chez eux une souffrance ou un symptôme organique, corporel ou psychique. Ce partenariat profite à tous, car la Procréation Médicalement Assistée n’est, pour personne, chose anodine. La rencontre avec un clinicien encourage celles et ceux qui souhaitent devenir parents, à saisir l’occasion de parler ce désir complexe et ses éventuelles entraves. Parents et enfants bénéficierons de cette courageuse démarche.

 

Aussi, si vous vous sentez concerné par ces questions, vous pouvez contacter au 06.32.24.89.50 Marine Bontemps, qui assure psychothérapies et psychanalyses à Paris 10^e, dans le quartier de St Vincent de Paul.

 

 

 

 

[1] Fécondité – Pourquoi ça coince ?, Le 1, 27 juin 2018

[2] Cf. l'article consacré à la clinique du partenariat